Les femmes, les classes et l’intersectionnalité : réflexions sur le féminisme et son avenir

par | Oct 4, 2025 | Féminisme, Marxisme, Théorie

« Il faut toujours distinguer le bouleversement matériel des conditions de production [et, j’ajoute, de reproduction, M.E.G.] … et les formes idéologiques sous lesquels les êtres humains prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout », Karl Marx [1].

I

Dans son article de 1969, « The Political Economy of Women’s Liberation » (L’économie politique de la libération des femmes), Margaret Benston avait articulé plusieurs thèmes récurrents et idées théoriques des théories féministes, en particulier celles développées par les féministes socialistes et marxistes.

Elle a par exemple identifié les fondements matériels du statut subordonné des femmes dans leur responsabilité de produire des biens de consommation pour le foyer et la dépendance économique qui en découle vis-à-vis des hommes, soutiens de famille ; les effets des responsabilités domestiques sur les opportunités des femmes ; et les conditions matérielles nécessaires à la libération des femmes, à savoir l’égalité d’accès à l’emploi et la fin de la privatisation des tâches ménagères et de l’éducation des enfants [2].

À la fin des années 1960, alors que j’étais étudiante diplômée, j’avais du mal à comprendre l’idée que les femmes étaient opprimées en tant que femmes et que les hommes ou le patriarcat étaient la source de leur oppression, une idée qui, à l’époque, me semblait étrange [3]. En revanche, le point de vue de Benston selon lequel les causes du statut subordonné des femmes étaient structurelles, enracinées dans l’économie capitaliste, et se traduisaient par la responsabilité des femmes dans la garde des enfants et la production de valeurs d’usage pour la consommation familiale, me semblait logique. Il montrait comment le fonctionnement de l’économie capitaliste, étant donné que l’organisation de la reproduction sociale et biologique en était encore à un « stade pré-commercial », plaçait les hommes et les femmes de la classe travailleuse dans des positions structurelles différentes. J’en ai déduit que cela donnait à certains hommes un pouvoir sur les femmes.

Les hommes de la classe travailleuse devaient gagner un salaire pour survivre économiquement, tandis que les femmes de la même classe, qu’elles soient mariées ou célibataires, pouvaient théoriquement soit travailler pour un salaire, soit travailler à la maison, sans être rémunérées et dépendantes du salaire du chef de famille masculin [4]. De manière abstraite, sous le capitalisme, être une travailleuse domestique non rémunérée est pour les femmes de la classe ouvrière une alternative fonctionnelle à l’obtention d’un salaire [5].  Rétrospectivement, après avoir relu son article, je peux dire que ma compréhension de l’oppression des femmes et ma conceptualisation de ce que j’appelais, au début des années 1970, le « mode de reproduction », doivent beaucoup aux opinions de Benston sur la « définition structurelle des femmes » et le foyer comme lieu de production et de reproduction [6].

 

II

Au cours des cinquante années qui se sont écoulées depuis la publication de cet ouvrage important, la pensée féministe a évolué dans différentes directions, sous l’impulsion des remises en question au sein même du mouvement et des changements dans les conditions historiques qui ont vu naître les luttes et les idées féministes.

Du milieu des années 1960 aux années 1970, inspirées par le mouvement des femmes, les théories féministes et les déclarations programmatiques offrant différentes explications de l’oppression des femmes ont fleuri aux États-Unis et ailleurs, notamment les théories du patriarcat (féminisme radical) ; l’interaction entre le patriarcat et le capitalisme (féminisme socialiste) ; et le capitalisme, considéré comme un système de relations de production exploiteuses et de relations de reproduction oppressives (féminisme marxiste).

Ces premières théories étaient et restent précieuses en termes de recherche et d’implications politiques, ainsi que dans leurs effets idéologiques plus larges, en sensibilisant les gens aux nombreuses dimensions de l’oppression des femmes et en les incitant à s’organiser et à lutter pour le changement.

Grâce au succès des luttes féministes, les opportunités offertes aux femmes se sont multipliées ; elles sont aujourd’hui beaucoup plus nombreuses dans les affaires, la politique, l’enseignement supérieur et d’autres professions et carrières qui étaient autrefois réservées aux hommes. Le féminisme socialiste et marxiste a mis en lumière l’oppression des femmes à la maison et sur le lieu de travail.

La prise de conscience des dimensions oppressives des marchés du travail. séparés selon le sexe. et du « double travail », un concept qui rend compte du conflit persistant entre l’emploi des femmes et leur responsabilité première dans les tâches ménagères et l’éducation des enfants, est entrée dans la culture populaire. Les garderies abordables sont devenues un objectif politique légitime. Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail a enfin été reconnu comme une forme de discrimination sexuelle. Et comme le montre le mouvement Me Too, les femmes ont mené la riposte.

Cependant, bien que plus faible, l’écart entre les revenus et la mobilité professionnelle des hommes et des femmes persiste. L’énorme contribution des femmes à l’économie capitaliste par le biais du travail domestique non rémunéré reste méconnue, tandis que la lutte pour les droits reproductifs se poursuit sans relâche, les politiciens continuant à proposer et souvent à adopter des lois visant ouvertement à restreindre l’accès des femmes à la contraception et à l’avortement, tout en cherchant subrepticement à contrôler leur sexualité [7].

 

III

L’enjeu de l’oppression des femmes, dont la critique a constitué le féminisme en tant que question académique et politique, a été la source durable de sa force et de son attrait, donnant lieu à de nombreuses théories et perspectives critiques [8]. Cela a entraîné des changements conceptuels continus qui ont défini un féminisme en évolution, tels que le passage de la catégorie des femmes à celle du genre et de celle de l’inégalité à celle de la différence.

Cela a également impliqué des changements, passant de la théorisation des conditions générales de l’expérience des femmes — opprimées à la maison et sur le lieu de travail, tout en jonglant avec les exigences contradictoires des deux — à la théorisation des implications de l’affirmation selon laquelle, si le genre peut être la principale source d’oppression pour les femmes blanches, hétérosexuelles et issues de la classe moyenne, les femmes ayant des caractéristiques et des expériences différentes sont également touchées par d’autres formes d’oppression [9].

La critique la plus importante a été formulée par les féministes noires et d’autres femmes de couleur, ce qui a donné lieu à l’élaboration d’un cadre analytique fondé sur la race, le genre et la classe, qui s’est finalement cristallisé sous la forme de l’intersectionnalité. Tout aussi importante est la perspective de la reproduction sociale qui, bien que fondée sur le féminisme marxiste, a élargi son champ d’étude au-delà de l’oppression des femmes, qui était son thème initial.

Je soutiens qu’une façon possible pour le féminisme marxiste de rester une perspective théorique distincte et politiquement pertinente pourrait être de revenir à la classe, au sens marxiste, en réexaminant théoriquement la relation entre classe et oppression, en particulier l’oppression des femmes de la classe travailleuse au sein des formations sociales capitalistes.

 

Mon objectif dans cet essai est de proposer quelques réflexions sur la relation entre ces perspectives et le féminisme marxiste. Ces perspectives renforcent-elles la spécificité théorique et la pertinence politique du féminisme marxiste ? Ou bien le placent-elles plutôt sur un terrain théorique différent ? Je pense que c’est cette dernière hypothèse qui est la bonne, étant donné que l’intersectionnalité se confond avec la stratification sociale et que la reproduction sociale peut faire référence à divers phénomènes macroéconomiques (reproduction de la main-d’œuvre, structure de classe, relations oppressives, relations de production, etc.), au-delà de la reproduction biologique et de la reproduction de la force de travail.

Je soutiens qu’une façon possible pour le féminisme marxiste de rester une perspective théorique distincte et politiquement pertinente pourrait être de revenir à la classe, au sens marxiste, en réexaminant théoriquement la relation entre classe et oppression, en particulier l’oppression des femmes de la classe travailleuse au sein des formations sociales capitalistes. Cela impliquerait une analyse structurelle de l’oppression, au sens de Benston, c’est-à-dire une analyse qui cherche dans le développement et le fonctionnement du capitalisme la base matérielle historiquement spécifique de toutes les formes d’oppression.

 

IV

Le mouvement de libération des femmes faisait partie de la panoplie des mouvements sociaux actifs dans les années 1960 et 1970, lorsque les gens s’organisaient sur la base du genre (libération des femmes), de l’âge (Grey Panthers), de la sexualité (libération des homosexuels), de l’ethnicité (Mexicains-Américains, Chicanos, Asiatiques-Américains) et de la race (féministes noires, Black Panthers). Les formes de conscience, la production intellectuelle et la politique de ces mouvements sociaux fondés sur l’identité étaient ancrées dans les expériences matérielles des militant·es et des universitaires qui participaient à ces mouvements.

Ils ont été influencés par le contexte politique, idéologique et social des États-Unis, une formation sociale où, en particulier dans les médias, les données du recensement et des sciences sociales sur les phénomènes sociaux étaient généralement présentées et discutées en excluant la notion de classe, ce qui favorisait une tendance à confondre et à percevoir les effets de la classe avec ceux du genre, de la race, de l’ethnicité et d’autres statuts opprimés [10]. Malheureusement, la classe est aujourd’hui absente du vocabulaire de la plupart des gens et du discours politique dominant, le monde du travail n’a pas d’organisation ni de représentation politique, et les lectures idéalistes de Karl Marx prédominent dans de nombreux secteurs de la gauche [11].

Les femmes de couleur, très conscientes des différences entre leurs expériences d’oppression et celles des féministes blanches, ont formulé des critiques qui ont préfiguré le développement des cadres analytiques susmentionnés, décrivant la simultanéité de « l’oppression raciale, sexuelle, hétérosexuelle et de classe » dans le contexte de « systèmes d’oppression imbriqués », qui ont ensuite été connus sous le nom d’intersectionnalité [12]. Cette observation critique, parmi d’autres, a fait plus qu’identifier les forces oppressives et interdépendantes qui affectent la vie des femmes de couleur ; elle a attiré l’attention sur la relation entre la stratification sociale et l’oppression, comme en témoignent ses effets sur la vie et l’identité de chacun [13].

Étant donné que l’intersectionnalité est considérée comme une théorie féministe importante, l’oppression des femmes devrait être au centre de celle-ci. Cependant, sa portée large — « systèmes d’oppression imbriqués » entraînant des « identités complexes » — introduit une certaine ambiguïté dans son sujet, car elle s’applique, avec des effets variables, à tout le monde : hommes et femmes, blancs et non-blancs, citoyen·nes et non-citoyen·nes, immigrant·es et autochtones, etc. Dans Marx, Women and Capitalist Social Reproduction, je soutiens que, si on l’entend au sens strict, le sujet de l’intersectionnalité est l’oppression des femmes ayant des identités complexes, bien qu’elle s’applique également, outre aux « femmes marginalisées », aux « hommes occasionnellement marginalisés » [14].

Le terme « marginalisé » implique la pauvreté et la quasi-pauvreté, et le fait d’être au bas de la chaîne des systèmes d’oppression, excluant ainsi les femmes occupant des positions intermédiaires et privilégiées dans ces systèmes. L’intersectionnalité peut-elle alors prétendre être une théorie féministe tout en excluant une grande partie de la population féminine ? Dans le même temps, cependant, si l’intersectionnalité s’applique à tout le monde – car tout le monde se situe dans le système de stratification sociale et de relations d’oppression, et qu’une proportion importante de la population masculine se trouve au bas de l’échelle –, il est logique de la considérer comme une approche de l’étude de la stratification et de ses effets oppressifs, plutôt que comme une théorie féministe [15].

Le sujet de la théorie de la reproduction sociale est également ambigu. À l’instar de l’intersectionnalité, la reproduction sociale est également considérée comme une théorie féministe, mais, dans ses versions actuelles, son champ d’application dépasse l’oppression des femmes et la reproduction de la force de travail pour englober la reproduction des conditions naturelles et sociales nécessaires à la reproduction du capitalisme.

 

V

Les premières féministes marxistes ont théorisé le résultat du travail domestique des femmes et de la production de valeurs d’usage – la reproduction de la force de travail – et ont débattu de la nature de la relation entre le travail domestique, le niveau des salaires des hommes et la production de plus-value [16]. C’est pourquoi, si on les compare à la pensée actuelle sur la reproduction sociale, les premières théories féministes marxistes pourraient être classées comme des théories de la reproduction sociale stricto sensu.

Aujourd’hui, la portée de la reproduction sociale va bien au-delà de la reproduction biologique, de la reproduction de la force de travail et du réseau d’institutions sociales au-delà du foyer qui contribuent à la reproduction de la force de travail (telles que les systèmes éducatifs et de santé). Elle inclut, par exemple, la reproduction de la population, des classes sociales, des relations de production, de la main-d’œuvre et des différentes couches et relations d’oppression (genre, âge, race, ethnicité, origine nationale, religion, etc.) du système de stratification sociale dans lequel se répartit la population de toutes les formations sociales [17].

Étant donné que la reproduction de la main-d’œuvre et les systèmes de stratification sociale reflètent et présupposent des conditions macroéconomiques, politiques, juridiques et idéologiques changeantes, la reproduction sociale concerne également la reproduction des formations sociales dans leur ensemble.

Aujourd’hui, la portée de la reproduction sociale
va bien au-delà de la reproduction biologique,
de la reproduction de la force de travail
et du réseau d’institutions sociales au-delà
du foyer qui contribuent à
la reproduction de la force de travail

Les féministes de la reproduction sociale soulignent l’intégration de la production des choses et de la production de la vie, arguant ainsi que la production excédentaire et l’accumulation de capital nécessitent la reproduction de la force de travail et que, par conséquent, « la reproduction sociale est au cœur de la lutte des classes » [18]. En principe, je suis d’accord. Cependant, suivant la distinction faite par Marx entre les éléments transhistoriques et historiques de l’organisation sociale, je soutiens que la reproduction sociale est mieux théorisée dans son contexte historique : « Si la production possède la forme capitaliste, il en sera de même de la reproduction » [19].

C’est pourquoi j’appelle ma perspective sur la reproduction « reproduction sociale capitaliste », en soutenant que « dans les formations sociales où le capitalisme est le mode de production dominant, les structures, les processus et les contradictions du mode de production déterminent l’organisation sociale (c’est-à-dire qu’ils établissent des limites historiques à sa variabilité) et la base matérielle du mode de reproduction possible pour les classes sociales et les strates au sein des classes » [20].

La relation entre production et reproduction sous le capitalisme est intrinsèquement contradictoire, car la reproduction des classes travailleuses est soumise au pouvoir, aux intérêts et à la reproduction de la classe capitaliste [21]. Les contradictions capitalistes modifient constamment l’accès aux conditions de reproduction pour différents secteurs de la classe travailleuse par le biais de divers mécanismes visant à augmenter les profits et à réduire les coûts de main-d’œuvre. C’est pourquoi je préfère dire que la survie économique et sociale des classes travailleuses est au cœur de la lutte des classes.

En effet, l’une des contributions essentielles de la théorie de la reproduction sociale est de souligner que les luttes de classe sont des luttes des travailleurs·euses pour accéder aux conditions matérielles et sociales nécessaires à leur survie et à leurs progrès économiques et sociaux, et que la classe travailleuse englobe une population plus large que le secteur actuellement employé de la main-d’œuvre [22].

Comme l’a observé Immanuel Wallerstein, étant donné que « les “peuples” construits – les races, les nations, les groupes ethniques – sont étroitement liés, bien qu’imparfaitement, à la « classe objective »… une très grande partie de l’activité politique fondée sur la classe dans le monde moderne a pris la forme d’une activité politique fondée sur les personnes [femmes, groupes minoritaires, immigrant·es, etc.] » [23].

 

VI

Le chevauchement entre la théorie féministe marxiste primitive et une formulation étroite de la théorie de la reproduction sociale est évident, mais il s’estompe à mesure que le champ d’application de cette dernière s’élargit. Du point de vue de la plupart des réflexions actuelles sur la reproduction sociale, cependant, les premières théories féministes marxistes étaient erronées car elles se développaient dans un cadre limité qui privilégiait les catégories de classe et de genre, les étudiant « indépendamment de la race, de la sexualité, du colonialisme et d’autres relations constitutives », tout en négligeant « la complexité multiforme des relations et des luttes politiques dans le monde réel… [où] l’oppression raciale croise les formes de domination liées au genre et l’exploitation de classe » [24].

Je suis en total désaccord avec cette évaluation. Les féministes marxistes théorisaient explicitement la relation entre les relations de classe capitalistes et la base structurelle de l’oppression des femmes. Leurs travaux ont mis en lumière les effets du capitalisme sur la place économique et sociale des femmes et l’importance du travail domestique, sans exclure la possibilité de prendre en compte d’autres relations oppressives dans le contexte de la recherche empirique dans le « monde réel », c’est-à-dire dans les formations sociales capitalistes, où s’inscrivaient les oppressions coloniales, impériales et raciales.

Pour défendre la théorie féministe marxiste : là où les critiques voient une faiblesse, je vois une force. Les premières féministes marxistes ont examiné la relation entre le fonctionnement du mode de production capitaliste et l’organisation capitaliste de la reproduction biologique et sociale, identifiant dans ses effets les conditions matérielles qui définissent le statut des femmes dans les formations sociales capitalistes, c’est-à-dire dans les sociétés où le mode de production capitaliste prévaut.

L’idée selon laquelle le féminisme marxiste « privilégiait » le genre au détriment d’autres formes d’oppression ne tient pas compte qu’il importe de différencier les niveaux d’analyse. Au niveau de l’analyse des formations sociales capitalistes (telles que les États-Unis, la France, l’Uruguay, etc.), les expériences d’oppression des femmes diffèrent considérablement.

C’est à ce niveau d’analyse que les sociologues marxistes étudient les effets des relations de classe, de la stratification sociale et des relations sociales oppressives, ou ce que les défenseurs de l’intersectionnalité identifient comme les « axes d’oppression » et les « identités complexes ». Le mode de production capitaliste, en revanche, est le niveau d’analyse où les premières féministes marxistes ont développé leurs théories sur les conditions matérielles structurelles du capitalisme qui sous-tendent le statut subordonné des femmes, indépendamment des différences dans leurs identités individuelles et de leur place dans la structure de classe et le système de stratification sociale.

Si le féminisme marxiste a également été critiqué pour avoir « privilégié » la classe, je soutiens qu’il ne l’a pas suffisamment « privilégiée ». Les théories féministes marxistes saisissent l’essence des conditions matérielles qui affectent la plupart des femmes de la classe travailleuse, même si cela n’est pas toujours explicitement mentionné, d’où la perception qu’elles généralisent à l’excès. L’affirmation de Benston selon laquelle, « à l’exception des très riches, qui peuvent engager quelqu’un pour le faire, la plupart des femmes doivent accomplir un minimum irréductible de tâches nécessaires pour s’occuper de leur foyer, de leur mari et de leurs enfants » souligne, au niveau de l’analyse de l’articulation entre capitalisme et reproduction, le sort de la plupart des femmes sans patrimoine sous le capitalisme [26].

Cependant, dans les formations sociales capitalistes, les femmes sont divisées non seulement par leur appartenance à une classe (propriétaires et non-propriétaires des moyens de production), mais aussi par leur place dans le système de stratification sociale. Les références indirectes à la classe, telles que la distinction entre les très riches et presque tout le monde, ou entre le 1 % ses plus riches et les 99 % restants, obscurcissent la nature des différences de classe et l’existence de différences socio-économiques au sein des classes, contribuant involontairement à la confusion qui règne aux États-Unis au sujet des classes.

 

VII

Il existe un lien étroit entre l’intensification des inégalités économiques, à l’échelle mondiale et au sein des formations sociales capitalistes, et les changements dans les sciences sociales et la pensée féministe qui cherchent à reconnaître les limites de la théorisation d’une ou de plusieurs oppressions simultanées relativement isolées de la classe. Sur le plan théorique, il est difficile de conceptualiser la relation entre classe et oppression dans un contexte où le refus du « réductionnisme de classe » conduit souvent à confondre la classe avec le revenu ou le statut socio-économique, à la réduire à une idéologie ou à un « classisme », ou à amalgamer classe et oppressions, par exemple en posant que la classe est « genrée » ou « racialisée ».

Plus important encore, on reconnaît rarement que la classe et les oppressions appartiennent à deux niveaux d’analyse différents : la classe est l’une des structures durables du mode de production capitaliste dont les effets causaux se font sentir dans toutes les formations sociales capitalistes, tandis que les identités oppressives et les relations d’oppression sont plus variables historiquement, construites idéologiquement et politiquement pour répondre à des besoins économiques et politiques changeants [27].

Sur le plan politique, le problème est de savoir comment favoriser l’unité et la conscience de classe dans une classe ouvrière fragmentée et affaiblie par les effets des changements économiques et technologiques, ainsi que par les politiques identitaires et les guerres culturelles. Une solution possible pourrait résider, premièrement, dans le « privilège » de la classe, en explorant les implications théoriques et politiques du fait que tous les agrégats de population identifiables sur la base du statut – c’est-à-dire les catégories d’oppression telles que le genre, la race, l’ethnicité, l’origine nationale, le statut de citoyenneté, l’âge et la sexualité – sont divisés par classes [28]. Deuxièmement, il faut garder à l’esprit que les classes travailleuses sont fragmentées non seulement en termes de genre, de race, d’ethnicité, etc., mais aussi en termes d’éducation, de profession, de revenu, de lieu de résidence, de religion, d’affiliation politique, etc.

La classe et les oppressions appartiennent à deux niveaux d’analyse différents : la classe est l’une des structures durables du mode de production capitaliste dont les effets causaux se font sentir dans toutes les formations sociales capitalistes, tandis que les identités oppressives et les relations d’oppression sont plus variables historiquement, construites idéologiquement et politiquement pour répondre à des besoins économiques
et politiques changeants

Au niveau de l’analyse du mode de production, la plupart des gens, quels que soient leur sexe, leur race, leur ethnicité et autres caractéristiques individuelles, appartiennent à la classe travailleuse, qu’ils en soient conscients ou non. Ils-elles ne possèdent pas les moyens de production, ils-elles dépendent de la vente de leur force de travail pour survivre, et leur survie économique est toujours précaire et soumise aux fluctuations de l’économie capitaliste nationale et mondiale, qui reflète à son tour les décisions des classes capitalistes en quête de profits.

Au niveau de l’analyse des formations sociales, l’appartenance à une classe commune et la communauté d’intérêts objective sont obscurcies et atténuées par les effets des divisions raciales, ethniques, socio-économiques et autres.

En raison des divisions de classe et de statut socio-économique, l’appartenance à des groupes opprimés n’implique pas une communauté d’intérêts politiques et économiques. Bien que la proportion de femmes et de membres de minorités raciales et ethniques dans la classe capitaliste et les couches supérieures du système social, économique et politique soit très faible, les contradictions de classe et les conflits d’intérêts ne disparaissent pas sous le couvert d’identités communes. Par exemple, les luttes couronnées de succès pour les droits civils de tous les membres d’un groupe opprimé n’effacent pas les contradictions de classe et les inégalités socio-économiques au sein du groupe. Au mieux, elles favorisent la mobilité ascendante de certains individus tout en laissant le capitalisme et toutes les formes d’inégalité économique et sociale inchangés.

Il est donc nécessaire de dépasser la réification des concepts de classe et de classe travailleuse en tant qu’éléments distincts des relations d’oppression en général et des luttes des femmes et autres luttes identitaires en particulier. La théorie féministe marxiste a mis en lumière les conditions matérielles de l’oppression des femmes de la classe travailleuse et doit le dire avec force, en surmontant la pression idéologique qui sous-tend les scrupules habituels concernant le déterminisme économique et le réductionnisme de classe qui ont contribué au recul de la classe et à la montée de la politique identitaire.

Dans ce contexte, « privilégier » la classe signifie rendre explicite le fait que l’oppression est toujours vécue dans les espaces politiques et sociaux de la classe et de la stratification sociale, qui, à leur tour, peuvent en atténuer ou en intensifier les effets. Les conséquences des relations de classe et des conflits de classe touchent de manière différente les femmes en fonction de leur position sociale, de leur statut socio-économique et de leur place dans les structures d’oppression, indépendamment de leur identification à une ou plusieurs identités opprimées.

Cependant, la réalité matérielle omniprésente de la classe est rarement reconnue par l’individu lambda. Mais qu’elle soit reconnue ou non (c’est-à-dire indépendamment du degré de conscience de classe), l’effet de la position sociale est réel, même si ses « blessures cachées » peuvent être vécues et comprises au prisme de l’identité. Par exemple, si l’on se place d’un point de vue exclusivement féministe, les efforts actuels des républicains pour saper l’accès légal et nécessaire des femmes à la contraception et à l’avortement ont été qualifiés de « guerre contre les femmes » menée par les républicains. Une telle interprétation néglige les différences importantes de classe et de statut socio-économique dans l’impact des politiques restrictives en matière de reproduction biologique. Indépendamment de la race, de l’ethnicité et d’autres différences, les femmes capitalistes et les femmes des couches supérieures du système de stratification sociale ne sont pas touchées par ces politiques, car elles ont les moyens de payer la contraception et l’avortement si leur assurance maladie ne les couvre pas ou si elles sont interdites ou indisponibles dans leur lieu de résidence [29].

Comme la plupart des femmes vivent avec des enfants, un mari, un partenaire ou d’autres membres de leur famille, leurs décisions en matière de reproduction affectent non seulement leur propre bien-être, mais aussi celui des autres. Dans un contexte de salaires insuffisants, d’emploi précaire, de logement inadéquat, d’absence d’assurance maladie et d’autres maux qui touchent les classes populaires, les politiques familiales réactionnaires peuvent être considérées comme une guerre contre la classe travailleuse [30].

 

VIII

À mesure que les inégalités de richesse et de revenus s’intensifient, la réalité matérielle et les effets sur la vie des gens deviennent de plus en plus difficiles à ignorer. Le moment est venu de reconnaître les limites des théories et des politiques fondées sur l’identité. Les succès économiques, sociaux et politiques de nombreuses femmes n’ont pas changé le sort de la majorité. C’est peut-être l’une des raisons qui expliquent le regain d’intérêt pour le marxisme et le féminisme que nous observons aujourd’hui, en particulier en Europe, où trois conférences internationales ont récemment eu lieu [31].

Pour ne pas rester un simple exercice académique, le féminisme marxiste doit revenir à ses racines matérialistes historiques et à la classe sociale, qui constitue la base matérielle essentielle des problèmes auxquels sont confrontées les femmes de la classe travailleuse, qu’elles aient un emploi ou non. Dans le contexte économique et politique actuel, il est important d’articuler un féminisme qui reconnaisse que la majorité des femmes appartiennent à la classe travailleuse et que l’oppression et les problèmes auxquels les femmes travailleuses (quelle que soit leur identité ou leurs identités) sont confrontées au sein des formations sociales sont fortement influencés par leur position de classe.

Les femmes travailleuses ne sont pas seulement responsables de la reproduction de la main-d’œuvre, de la survie économique de leur famille et de leur classe : elles en font partie. En fait, elles représentent plus de la moitié de la classe travailleuse mondiale, étant donné que « leur position commune dans les relations de production et de reproduction constitue une base matérielle universelle, mais historique, pour leur mobilisation potentielle et leur organisation politique, non pas en tant que femmes et non pas en tant que travailleuses, mais en tant que femmes travailleuses » [32].

Les femmes travailleuses
ne sont pas seulement responsables
de la reproduction de la main-d’œuvre,
de la survie économique de leur famille
et de leur classe : elles en font partie.
En fait, elles représentent plus de
la moitié de la classe travailleuse mondiale…

Il est donc temps, lorsqu’on écrit et qu’on parle de questions qui concernent les femmes, de préciser leur position sociale, leur statut socio-économique et toute autre caractéristique pertinente, par exemple si elles sont des femmes latino-américaines de la classe ouvrière, des femmes blanches capitalistes, des femmes immigrées d’Amérique centrale de la classe travailleuse, des femmes de la classe moyenne (en termes de statut socio-économique), des femmes afro-américaines, etc.

Il ne s’agit pas ici de décrire des identités complexes, mais d’attirer l’attention sur la nature omniprésente de la classe sociale en tant qu’espace social, économique et politique dans lequel la vie de chacun se déroule inévitablement, indépendamment de la conscience qu’ont les gens de leur position sociale.

Aujourd’hui, alors que les inégalités économiques s’accentuent, les perspectives économiques des hommes issus de la classe ouvrière, en particulier ceux qui ont un faible niveau d’éducation, sont en déclin, comme c’est le cas depuis des décennies. La productivité augmente tandis que les salaires stagnent. La formation d’une famille dans la classe travailleuse est de plus en plus difficile et instable, d’autant plus que le capital se tourne vers le travail des femmes pour réduire les coûts de la main-d’œuvre.

À mesure que les femmes continuent d’accroître leur participation à la population active, leur responsabilité dans le travail de reproduction sociale s’est également intensifiée [33]. Ces changements macroéconomiques dans la demande de main-d’œuvre et la participation des femmes à la population active exacerbent les divisions au sein de la classe ouvrière, en particulier les antagonismes entre les hommes et les femmes qui travaillent, favorisés par la politique identitaire privilégiée par la classe capitaliste.

Tant que l’oppression des femmes et d’autres oppressions occuperont le centre de la théorie et de la politique féministes, tandis que la classe restera en marge, le féminisme contribuera involontairement à maintenir la classe en dehors de la conscience collective et des limites du discours politique acceptable. Pour devenir une force politique et idéologique unificatrice plutôt que diviseuse, le féminisme marxiste du XXIe siècle doit devenir un féminisme ouvertement lié à la classe travailleuse, solidaire de cette classe dans son ensemble, soutenant les luttes de l’ensemble du monde du travail, femmes et hommes, et des personnes de toutes races, origines nationales, statuts de citoyenneté, etc., menant ainsi le processus vers l’organisation de la classe travailleuse et le retour indispensable à la classe dans la politique américaine.

* Notre traduction d’après la version originale de cet article en anglais, parue en septembre 2019, dans le n° 71 (4) de Monthly Review. Il en existe aussi une version espagnole, publiée par Ideas de Izquierda, le 12 mars 2023.

Martha E. Gimenez est professeure émérite de sociologie à l’Université de Boulder (Colorado). Elle est notamment l’auteure de plusieurs livres et articles sur le féminisme et le marxisme, dont Marx, Women, and Capitalist Social Reproduction. Marxist Feminist Essays, Leiden, Brill, 2018 (récemment traduit en espagnol).

Notes

[2] Margaret Benston, The Political Economy of Women’s Liberation,” Monthly Review 21, no. 4 (Septembre 1969): 13–27. Dans mon livre, Marx, Women and Capitalist Social Reproduction (Leiden: Brill, 2018), j’explore de façon approfondie ces enjeux relatifs aux femmes, aux classe et aux identités.
[3] En 1957, l’année où j’ai commencé mes études de droit à l’Université de Córdoba, en Argentine, le choix de devenir avocate n’avait rien d’inhabituel. J’ai grandi en étant encouragée à croire qu’aucune limite ne s’opposait à ce que je pouvais accomplir, dans un environnement où la présence de femmes dans des professions qui, aux États-Unis à cette époque, étaient encore considérées comme la prérogative des hommes (comme la médecine, la dentisterie, la biochimie ou le droit) allait de soi.
[4] Bien sûr, dans les formations sociales capitalistes, de nombreuses femmes de la classe travailleuse faisaient les deux, en particulier celles appartenant à des minorités raciales ou ethniques, ou à certaines populations immigrées. Les caractéristiques historiquement spécifiques des formations sociales produisent des variations pragmatiques dans les stratégies de survie que les hommes et les femmes de la classe travailleuses, issus de différentes origines raciales, ethniques et nationales, développent dans les limites imposées par le capitalisme.
[5] La proportion de travailleuses domestiques à plein temps ou de « mères au foyer » fluctue en fonction des changements sociaux et économiques. Aux États-Unis, elle est passée de 49 % en 1967 à 23 % en 1999, avant de remonter à 29 % en 2012. Voir Jacob Galley, “Stay-at-Home Mothers Through the Years,” Monthly Labor Review, Bureau of Labor Statistics, septembre 2014
[6] Martha E. Gimenez, “Population Structure and Processes in the Capitalist Mode of Production” (Thèse de doctorat University of California, Los Angeles, 1973).
[7] À propos des tentative récentes de réduire le droit à l’avortement, voir “Everything You Need to Know About the Abortion Ban News,” Washington Post, May 17, 2019. Voir aussi Martha E. Gimenez, “Reactionary Family Policies in the 21st Century: The Republican War on the Working Class in the United States,” Cultural Logic 23 (2019).
[8] Pour une liste complète et une discussion, voir, par exemple, Judith Lorber, Gender Inequality (Oxford: Oxford University Press, 2009).
[9] Une grande partie de la théorisation féministe, en particulier aux États-Unis, est née d’une critique mal orientée du féminisme marxiste des débuts. On n’avait pas compris que l’objet du féminisme marxiste, comme chez Benston, était la place structurelle des femmes dans le capitalisme. Au lieu de cela, comme point de départ de la critique, les théoriciennes et théoriciens ont mis en avant les différences empiriques (raciales, ethniques, d’origine nationale, etc.) entre les femmes de différentes sociétés. Bien que ces faits soient exacts, la théorisation féministe n’a pas su saisir la différence entre, d’une part, les facteurs historiquement spécifiques qui affectent la condition des femmes dans des formations sociales capitalistes particulières, et, d’autre part, les structures et contraintes capitalistes qui touchent les femmes dans toutes les formations sociales.
[10] Par exemple, les politiciens et les médias mettent l’accent sur la pauvreté disproportionnée des femmes, des enfants et des minorités raciales et ethniques, comme si la pauvreté masculine et blanche était insignifiante, comme si les pauvres étaient sans classe, et comme si la pauvreté n’était pas liée au fonctionnement normal du capitalisme et aux relations de classe. En 2017, dix-sept millions de personnes blanches représentaient 43,8 % de la population pauvre. Voir les statistiques de la pauvreté aux Etats-Unis compilées par le US Census Bureau.
[11] ’ai grandi dans une famille de la classe moyenne en Argentine, à une époque (les années 1950 et 1960) où—dans mon milieu—le fait d’être une femme était une donnée d’importance privée, mais pas sociale ou politique, à l’instar, par exemple, de la classe ou de la nationalité. Cela a influencé mon travail. J’ai développé une conscience intuitive de l’historicité des identités personnelles et sociopolitiques ainsi que des catégories d’analyse dominantes dans toutes les formations sociales.
[12] Combahee River Collective, “A Black FeministStatement,” Monthly Review 70, no. 8 (January 2019), 29.
[13] Le concept renvoie au classement et à la répartition de la population d’une société en groupes ayant des statuts sociaux et économiques différents, selon des caractéristiques telles que, par exemple, le genre, la race, l’ethnie, l’âge, l’origine nationale, le revenu, le niveau d’éducation, la profession et le lieu de résidence.
[14] Gimenez, Marx, Women and Capitalist Social Reproduction, 101–2; voir aussi Kimberlé Williams Crenshaw, “The Structural and Political Dimensions of Intersectional Oppression”, in Intersectionality : A Foundations and Frontiers Reader, ed. Patrick R. Grzanka (Boulder, CO: Westview, 2014), 18.
[15] Voir, par exemple, Nira Yuval-Davis, “Beyond the Recognition and Re-Distribution Dichotomy”, in Framing Intersectionality, ed. Helma Lutz, Maria Teresa Herrera-Vivar, and Linda Supik (Farnham, UK: Ashgate, 2011), 156, 159.
[16] Voir, par exemple, Lise Vogel, Le marxisme et l’oppression des femmes: vers une théorie unitaire, Paris, Éditions sociales, 2022 [1983], 291-292.
[17] Voir, par exemple, Meg Luxton, “Reclaiming Marxist Feminism”, Studies in Political Economy 95 (2015) : 166.
[18] Meg Luxton, “The Production of Life Itself: Gender, Social Reproduction and IPE”, in Handbook on the International Political Economy of Gender, ed. Juanita Elias et Adrienne Roberts (Cheltenham, UK : Edward Elgar, 2017), 39.
[19] Karl Marx, Capital, vol. 1, chap. 23.
[20] Gimenez, Marx, Women and Capitalist Social Reproduction, 353–57; see also chap. 13.
[21] Gimenez, Marx, Women and…, 299.
[22] Voir, par exemple, Tithi Bhattacharya, How Not to Skip Class: Social Reproduction of Labor and the Global Working Class, Viewpoint, October 31, 2015.
[23] Immanuel Wallerstein, “The Construction of Peoplehood”, in Race, Nation, Class, ed. Etienne Balibar and Immanuel Wallerstein (Londres : Verso, 1991), 84.
[24] Susan Ferguson, Genevieve LeBaron, Angela Dimitrakaki, and Sara R. Farris, “Introduction”, Historical Materialism, 24, no. 2 (2016) : 28, 30.
[25] Voir, par exemple,  Benston, “The Political Economy of Women’s Liberation,” ; Martha E. Gimenez, “The Oppression of Women,” in Structural Sociology, ed. Ino Rossi (New York : Columbia University Press, 1982) ; Vogel, Le marxisme et l’oppression des femmes.
[26] Benston, “The Political Economy of Women’s Liberation…”, 24.
[27] Les immigrés non européens sont automatiquement racialement ou ethniquement catégorisés aux États-Unis et intégrés aux groupes minoritaires déjà opprimés. Voir, par exemple, Martha E. Gimenez, “Minorities and the World-System”, dans Racism, Sexism and the World-System, dir. Joan Smith et al. (New York : Greenwood, 1988), p. 39–56. Voir aussi Immanuel Wallerstein, “The Construction of Peoplehood”, Sociological Forum 2 (1987) : 373–88 ; Barbara Fields, “Slavery, Race and Ideology in the United States of America”, New Left Review, 181 (1989) : 95–118.
[28] Dans la sociologie wébérienne, les catégories d’oppression sont des catégories de statut qui impliquent une estimation sociale spécifique, positive ou négative, de l’honneur… liée à toute qualité partagée par un certain nombre de personnes. Voir Max Weber, From Max Weber: Essays in Sociology, dir. C. W. Mills et H. Gerth (New York : Oxford University Press, 1973), p. 181.
[29] Les femmes capitalistes sont des femmes qui possèdent du capital en leur propre nom, qu’il soit hérité et/ou acquis, ou qui sont mariées à un capitaliste et bénéficient des privilèges liés à la richesse. Il est important de noter qu’il existe six États aux États-Unis où il n’y a qu’une seule clinique pratiquant l’avortement. Planned Parenthood pourrait être contrainte de cesser de fournir des services d’avortement dans le Missouri et, si cela se produit, cet État deviendrait le premier sans la moindre clinique d’avortement. Voir : “A Dark Milestone for Women’s Rights”, New York Times, 28 mai 2019.
[30] Gimenez, “Reactionary Family Policies in the 21st Century”.
[31] The Strength of Critique: Trajectories of Marxist-Feminism, First International Marxist-Feminist Conference, Rosa Luxemburg Stiftung, Berlin, 20–22 mars 2015; Building Bridges—Shifting and Strengthening Visions—Exploring Alternatives, Second International Marxist-Feminist Conference, Academy of Fine Arts, Vienne, 7–9 octobre 2016; and Transforming Ourselves, Transforming the World, Third International Marxist-Feminist Conference, Université de Lund , Lund, Suède, 5-7 octobre 2018.
[32] Gimenez, Marx, Women and…, 342.
[33] Voir Andrew J. Cherlin, Labor’s Love Lost (New York: Russell Sage, 2014).

 

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