À quelques heures des résultats des élections de la ville de New York, nous traduisons le discours que Zohran Mamdani a tenu en présence de Bernie Sanders à Brooklyn, en mai dernier.
C’est un honneur d’être ici aux côtés du sénateur Bernie Sanders. Je voudrais vous faire part de ce que Bernie a signifié pour moi.
Pour un socialisme démocratique
C’est la campagne présidentielle de Bernie, en 2016, qui m’a offert les mots du socialisme démocratique pour exprimer ma pensée politique… Et c’est le rassemblement de Bernie à Queensbridge, le 19 octobre 2019, qui a été le premier événement politique de ma campagne pour l’Assemblée de l’État [Chambre basse de l’État de New York, NDT].
Bernie et son équipe n’en avaient aucune idée. Nous parcourions la file d’attente pour entrer à son rassemblement, sollicitant 1 $, 5 $, 10 $, des adresses e-mail — tout ce que nous pouvions. Puis, nous avons pénétré dans la salle, et je me souviens de cette sensation électrisante : une campagne qui renaît, un mouvement qui renaît, vibrant à l’unisson avec chacun des arrondissements de cette ville.
Et lorsque Bernie est apparu sur scène sur Back in Black d’AC/DC — ceux qui étaient présents s’en souviennent — nous avons eu l’impression que le possible devenait une réalité.
Sa campagne a continué d’inspirer tant d’entre nous. Et pendant les nombreux mois qui ont suivi ma candidature à l’Assemblée de l’État, nous avons continué à nous tourner vers lui, sa campagne et sa vision, comme vers la boussole guidant le travail que nous voulions accomplir en politique électorale.
Et nous savions que, si les New‑Yorkais ordinaires se souciaient peu d’une élection à l’Assemblée de l’État, nous pourrions enfin les toucher si nous organisions simplement une soirée pour regarder un débat avec Bernie. Nous pouvions les mobiliser dès lors que nous leur disions que c’était à propos de Bernie.
Cette campagne est notre affaire
Je partage ces souvenirs parce que je sais que, pour beaucoup d’entre vous ici, c’est une histoire semblable. C’est l’histoire de se trouver soi-même dans un mouvement, dans une campagne, dans une politique dont on vous a longtemps dit qu’elle était impossible à mener. Nous savons que le combat pour que chaque personne puisse vivre une vie digne est un combat qui résonne profondément à travers tout le pays.
Beaucoup d’entre vous ici, moi y compris, ont d’abord connu Bernie en tant que sénateur, en tant que candidat à la présidence. Mais avant cela, Bernie était le maire de Burlington, un maire élu pour quatre mandats. Et la même année où Ronald Reagan remportait non seulement la présidence mais aussi l’État du Vermont, Bernie, dans la trentaine, était un socialiste démocratique affrontant quelqu’un qui avait exercé le pouvoir et jouissait d’une grande notoriété depuis des années — un adversaire qui peinait même à prononcer son nom de famille. Il y a là quelques parallèles.
Bernie a remporté cette élection avec seulement dix voix d’avance. Puis il a gagné de nouveau. Et encore. Et encore…
La devise, non seulement de la campagne de Bernie, mais aussi de sa façon de gouverner était : « Burlington n’est pas à vendre ». C’est cette devise qui a guidé tout son travail lorsqu’il a lutté contre la cupidité des entreprises pour transformer le front de mer du lac Champlain, non pas en simples vitrines du profit, mais en un témoignage vivant et concret de ce qu’il est possible de réaliser lorsqu’on investit dans les gens qui travaillent. Lorsqu’il s’est battu pour des logements abordables. Lorsqu’il a affronté un système fiscal foncier défaillant. Lorsqu’il a montré, de façon constante, ce que signifie pour un gouvernement municipal de considérer la dignité comme sa responsabilité.
C’est ainsi que Bernie s’est battu. Et nous savons que dans cette devise « Burlington n’est pas à vendre », nous voyons en écho notre propre combat aujourd’hui où nous devons affirmer : « New York n’est pas à vendre ».
Un combat contre l’oligarchie
New York n’est pas à vendre aux milliardaires qui financent Donald Trump. Elle n’est pas à vendre à des entreprises comme DoorDash. Elle n’est pas à vendre à des politiciens corrompus comme Andrew Cuomo.
Bernie a continué à mener ce mouvement, passant de « Burlington n’est pas à vendre » à la lutte contre l’oligarchie d’un bout à l’autre du pays. Et cette lutte, non seulement contre l’oligarchie, mais aussi pour la démocratie, est une lutte qui a mobilisé des dizaines de milliers d’Américain·es à travers le pays. Elle a montré une fois de plus que la politique peut être animée par des gens ordinaires, guidés non seulement par le rejet de l’autoritarisme, mais aussi par la croyance en ce qui est possible.
Nous savons que cette oligarchie a un impact ici même, à New York. Nous le savons, car lorsque Donald Trump a fait adopter son « Big Beautiful Bill », il a mis en place le plus grand transfert de richesse de l’histoire politique américaine. Sa législation privera des millions de New-Yorkais de leur couverture santé. Pour un homme qui a fait campagne en faveur de la baisse des prix des produits alimentaires, cela reviendra à réduire les allocations SNAP [programme d’aide alimentaire a USA (NDT)] pour les plus démuni·es d’entre nous. Et tout cela pour donner encore plus d’argent à ceux qui en ont déjà plus qu’ils ne savent qu’en faire.
C’est le combat qui se déroule ici sous nos yeux. L’interconnexion entre une attaque contre les travailleurs et travailleuses et l’enrichissement des mêmes milliardaires qui ont financé la campagne de Donald Trump pour un second mandat. C’est ce combat qui nous unit à travers tout le pays en ce moment. Un combat dans lequel nous affirmons clairement que c’est nous qui choisirons notre maire dans cette ville.
Ce ne sera pas Donald Trump. Ce ne sera pas Bill Ackman [Milliardaire conservateur, fondateur et PDG de Pershing Square Capital Management, un fonds d’investissement basé à New York NDT]. Ce ne sera pas DoorDash [entreprise de livraison de nourriture à domicile NDT]. C’est nous qui choisirons notre maire.
Continuer la lutte après les élections
Nous savons que ce combat n’est pas facile. Il ne l’a pas été non plus pour Bernie lorsqu’il dirigeait Burlington. C’était un combat qui demandait tout de lui, chaque jour, sans relâche.
Êtes-vous prêts à continuer ce combat ? Parce que je veux être clair : nous ne sommes pas ici simplement pour vous dire de voter en novembre — bien que ce soit crucial. Nous continuerons à nous organiser au-delà de l’élection. Nous continuerons à nous organiser parce que nous avons un programme à faire triompher.
Les promesses que nous avons faites sont des promesses que nous devons tenir. Ensemble, nous allons geler les loyers, rendre les bus rapides et gratuits, mettre en place un système universel de garde d’enfants. Nous allons faire tout ça, et on va le faire ensemble.
Si on vous dit qu’après avoir voté, vous aurez fait votre devoir, répondez que ce n’est que le début.
Car dans une ville où un habitant sur quatre vit dans la pauvreté, où, pour la neuvième année consécutive, cent mille enfants scolarisés sont sans domicile fixe, où cinq cent mille enfants se couchent chaque soir le ventre vide, nous devons toutes et tous nous mobiliser pour que la dignité ne soit pas seulement une possibilité, mais une réalité pour chaque New-Yorkais·e.
L’une des nombreuses choses que nous aimons chez Bernie, c’est que, quelle que soit l’année où il s’est lancé dans la politique, il a toujours tenu le même discours. Que la photo soit en noir et blanc ou en couleur, vous savez qu’il s’agit de l’inégalité des revenus. Il s’agit de la justice, il s’agit de la dignité.
Nos valeurs sont universelles
Aujourd’hui, Bernie m’a dit qu’aucun homme n’est une île. Nous sommes tous engagés dans cette lutte parce que quelqu’un nous l’a transmis. En gardant cela à l’esprit, nous devons savoir que c’est maintenant à notre tour non seulement de rejoindre cette lutte, mais aussi de la mener. Il est temps pour nous toutes et tous de nous considérer comme les personnes capables de créer le monde que nous méritons.
Et en ce moment, nous devons clairement affirmer qu’il s’agit d’une lutte intergénérationnelle. Ce n’est pas une lutte qui concerne seulement une partie d’entre nous, seulement les jeunes, seulement quelques personnes, seulement celles et ceux qui sont au début de leur vie et de leur carrière. C’est un combat de tout le monde, parce qu’il concerne chacun·e d’entre nous.
Nous parlons de notre vision. C’est une vision d’universalité. Ce n’est pas une vision où l’on vous demande votre nom, où l’on vous demande où vous êtes né, où l’on vous demande votre religion, où l’on vous demande votre statut. Nous vous demandons simplement de nous rejoindre.
* Discours transcrit dans Jacobin USA, 9 août 2025. Notre traduction.






