Prix Nobel de la paix à une dirigeante d’extrême droite…

par | Oct 14, 2025 | Amérique latine, Extrême droite, Guerre, Impérialismes, International

En récompensant la figure de l’aile ultra-radicale de la droite vénézuélienne María Corina Machado, le comité d’attribution nourrit la spirale guerrière alimentée par Washington.

[Sur l’intervention en cours des États-Unis contre le Mexique, le Brésil et le Venezuela, voir notre article en ligne : « L’amérique latine est la cible de l’offensive néocoloniale de Trump », NDR].

« La paix, c’est la guerre » ? Avec cette reformulation à l’envers de la célèbre phrase tirée de la fable dystopique d’Orwell, les membres du comité d’attribution du Nobel de la paix semblent vouloir graver dans le marbre un nouvel oxymore en décernant leur prix, vendredi 10 octobre, à la Vénézuélienne María Corina Machado (MCM).

Considérée comme « l’un des exemples les plus extraordinaires de courage civique en Amérique latine » par le président du comité norvégien, la leader de l’aile la plus radicale de la droite vénézuélienne représente pourtant précisément ce qu’il y a de moins pacifique sur la scène politique de son pays tant son parcours affiche clairement son penchant antidémocratique.

« Depuis ce début de siècle, il n’y a pas un chapitre de violence politique à laquelle elle n’a pas participé », explique à l’Humanité Filip Ristic, doctorant spécialiste de l’Amérique latine à l’université Complutense de Madrid et spécialiste du Venezuela.

 

Des liens avec le Likoud en Israël et Vox en Espagne

De son soutien actif au coup d’État subi par Hugo Chávez en 2002 à celui des sanctions états-uniennes – qui ont contribué à mettre à genoux l’économie locale – en passant par les manifestations antigouvernementales ultraviolentes de 2014, MCM n’est en rien étrangère au climat explosif que traverse depuis des années le pays sud-américain. Complice notoire d’une stratégie de la tension permanente, cette récipiendaire des prix Vaclav-Havel et Sakharov (tous deux en 2024) n’a-t-elle pas aussi une part de responsabilité dans la dérive autoritaire d’un pouvoir porteur d’un projet socialiste dans la mire de Washington depuis vingt-cinq ans ?

« Ses actes et positions publiques radicales lui ont longtemps valu une place marginale au sein de l’opposition, souligne Filip Ristic. La montée de l’extrême droite à échelle internationale et le soutien actif des États-Unis ont grandement contribué à sa dédiabolisation », précise-t-il, non sans rappeler les liens entre MCM et le Likoud de Benyamin Netanyahou ou encore avec Vox, l’extrême droite espagnole.

Et alors que, quelques heures à peine avant l’annonce faite depuis Stockholm, la diplomatie vénézuélienne alertait devant le Conseil de sécurité de l’ONU du risque « à très court terme » d’une une intervention militaire perpétrée par les États-Unis – ce que demande MCM depuis longtemps –, c’est tout naturellement au président états-unien qu’elle a dédié son Nobel.

Un prix qui pourrait donc prêter à sourire, s’il n’y avait pas derrière un risque sérieux d’alimenter une spirale guerrière déjà bien enclenchée. « La pression médiatique contre le gouvernement vénézuélien est telle qu’il est possible que le jury ait décerné ce prix de bonne foi », estime l’ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique Maurice Lemoine. Les cinq membres ont-ils voulu donner un prix de consolation à Trump, qui convoitait la prestigieuse médaille, en récompensant une de ses proches politiques et idéologiques ? « Toujours est-il, nous précise le spécialiste de l’Amérique latine, qu’ils ont pris une responsabilité énorme en donnant indirectement ce qui ressemble à un permis de tuer au locataire de la Maison-Blanche. »

* Cet article de Luis Reygada est paru sur le site de L’Humanité, le 12 octobre 2025, sous le titre « Venezuela : in Prix Nobel de la Paix pour précipiter la guerre ? » auquel notre lien renvoie.

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