Théorie

Un spectre inquiétant hante le monde: peut-on le nommer sans le comprendre?

Un spectre inquiétant hante le monde: peut-on le nommer sans le comprendre?

Le spectre du fascisme semble à nouveau hanter le monde : de l’Amérique latine à l’Inde, des USA à la Russie, en passant par l’Europe. L’influence et l’emprise des partis d’extrême droite ne cessent de croître et l’élection de Donald Trump donne un nouveau souffle à leur grammaire politique, tout en renforçant leur présence là où ils ne sont pas encore aux affaires ; en France, en Allemagne et au Portugal, elles sont aux portes du pouvoir.
Passée la sidération, il reste l’impératif d’intervenir, d’alerter, de mobiliser les forces sociales nécessaires à contrer leur agenda politique ; mais comment ? Comprendre les raisons de cet apparent « retour du fascisme » ne va en effet pas de soi. D’ailleurs, s’agit-il bien de cela ?

Le fascisme des années 1930 est-il de retour ?

Le fascisme des années 1930 est-il de retour ?

Dans ce texte tiré de son livre de 2024, Trumpismos (Barcelone, Verso), que nous avons traduit de l’espagnol, Miguel Urbán Crespo s’efforce de montrer les différences entre le fascisme des années trente et l’extrême droite actuelle. Il s’appuie pour cela sur les analyses marxistes du fascisme historique et sur des travaux d’historiens.

Penser Gaza : entretien de Luca Salza avec Étienne Balibar

Penser Gaza : entretien de Luca Salza avec Étienne Balibar

« Penser Gaza, penser à Gaza ? Malgré les images et récits qui filtrent, nous n’y sommes pas, dans Gaza, sous les bombes et devant les chars, en train de voir nos maisons rasées, nos enfants mourants de faim, nos blessés achevés jusque dans les hôpitaux. Nous ne pouvons qu’y penser nuit et jour, en ressassant notre horreur. » Cet entretien a été réalisé par Luca Salza pour la revue K – revue transeuropéenne de philosophie et arts – https://www.peren-revues.fr/revue-k/, dans laquelle il doit paraître, entre le 8 et le 13 septembre 2025. Il est reproduit sur le blog Mediapart d’Étienne Balibar, duquel nous l’avons tiré, avec l’aimable autorisation de la revue.

Lucien Goldmann dans le paysage marxiste : création culturelle et conscience du possible

Lucien Goldmann dans le paysage marxiste : création culturelle et conscience du possible

Dans son ouvrage, La création culturelle dans la société moderne, qui n’est pas à proprement parler un livre, mais un recueil de textes épars, il étudie, entre autres, une notion clé pour son projet philosophique et politique. Je veux parler de la notion de conscience possible, qui traduit à son tour – avec une certaine liberté – le concept de Zugerechte Bewusstein apporté par Marx et Engels dans La Sainte Famille et qui réapparaît dans l’ouvrage fondateur de la pensée de Goldmann, Histoire et conscience de classe de Lukács. Cette notion de conscience possible est liée à celle de sujet collectif, c’est-à-dire à cet espace à partir duquel il est possible de concevoir les modes de perception d’une époque, les institutions, etc.

Le « nationalisme du désastre », une nouvelle forme de fascisme ?

Le « nationalisme du désastre », une nouvelle forme de fascisme ?

Une façon d’envisager le fascisme est de le considérer comme un phénomène historiquement spécifique : un mouvement réactionnaire de masse né du chaos économique et social qui a englouti l’Europe après la Première Guerre mondiale. Une autre façon d’envisager le fascisme est de le considérer comme une présence constante. Certains y voient l’expression d’une tendance humaine à la domination.

L’impérialisme russe: une approche historique

L’impérialisme russe: une approche historique

De tout temps, l’impérialisme russe a reposé sur l’idée de « rassembler les terres russes » et de construire « la Russie une et indivisible ». Au cours des phases historiques de son développement, depuis le Tsarat de Russie (1547-1721), cet impérialisme a toujours été — et demeure — aussi singulier que la formation sociale de la Russie elle-même.

Matérialisme et féminisme : entretien avec Johanna Brenner

Matérialisme et féminisme : entretien avec Johanna Brenner

Je travaille toujours à partir d’un cadre théorique matérialiste marxiste. Les féministes marxistes partent, comme Marx, du travail collectif. Les êtres humains doivent organiser le travail socialement afin de produire ce dont ils ont besoin pour survivre ; la manière dont le travail socialement nécessaire est organisé façonne à son tour l’organisation de toute la vie sociale. Alors que Marx pensait principalement à la production de biens, les féministes marxistes ajoutent à ce travail socialement nécessaire la reproduction des êtres humains — non seulement d’une génération à l’autre, mais aussi au quotidien — ce que nous appelons désormais la « reproduction sociale ».

Les crises du capitalisme : logiques, moment, perspectives

Les crises du capitalisme : logiques, moment, perspectives

L’histoire du capitalisme, c’est donc l’histoire de ses crises, mais aussi l’histoire de ses réponses temporaires à ses crises, par une réorganisation qui relance l’accumulation. Pour Ernest Mandel il y a un lien entre les grandes crises et les vagues d’accumulation du capital (les ondes longues). Pour lui, les solutions aux grandes crises sont toujours externes à l’économie capitaliste, ce sont les guerres, les conquêtes de régions non encore dominées par le capital, etc. Tandis que pour les théoriciens de la régulation, il existe des ajustements institutionnels qui permettent de sortir de ces grandes crises. Dans tous les cas, même si l’on admet une grande plasticité du capitalisme, jusqu’où peut-elle aller ?

Sur la critique de la pensée décoloniale

Sur la critique de la pensée décoloniale

Depuis le début du XXIe siècle, les thèses décoloniales, nées en Amérique latine, ont gagné les centres de recherche et universitaires des États-Unis, puis les européens et notamment français. Moins connus cependant en France, les auteurs sud-américains, hispanophones ou lusophones, fondateurs du courant décolonial sont peu à peu découverts et même pour certains traduits, notamment : Anibal Quijano, Enrique Dussel, Walter Mignolo, fondateurs du groupe « Modernité/Colonialité », et Ramon Grosfoguel.