Contre le nouveau maccarthysme de Trump

par | Oct 19, 2025 | Anti-fascisme, Démocratie, États-Unis, International, Luttes sociales, Politique

Ayant perdu le consentement des gouvernés, Trump s’est tourné vers la coercition pour faire avancer son programme d’extrême droite. Il a saisi l’occasion de l’assassinat de Charlie Kirk et a utilisé ses funérailles pour lancer une chasse aux sorcières maccarthyste contre la gauche et les organisations progressistes. Ashley Smith soutient que la gauche doit rejeter à la fois le piège de la civilité dans lequel sont tombés les libéraux et les démocrates, qui ne fait que légitimer le sectarisme de Kirk en le présentant comme un débat, et l’impasse de la violence individualiste. La tâche des socialistes consiste à promouvoir et à développer la capacité d’organiser des actions collectives, des manifestations et des grèves pour faire avancer les revendications démocratiques.

L’administration Trump est en train de détruire l’ordre national et international mis en place par les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Elle tente une transformation autoritaire et nationaliste à grande échelle de notre société, de l’État américain et de sa position dans l’ordre international.

Mais elle se heurte à une opposition croissante de la majorité de la population américaine. Ayant perdu le consentement des gouvernés, Trump s’est tourné vers la coercition pour faire avancer son programme d’extrême droite. Il a saisi l’occasion de l’assassinat de Charlie Kirk et a utilisé ses funérailles pour lancer une chasse aux sorcières maccarthyste contre la gauche et les organisations progressistes, en particulier les ONG qui ont joué un rôle central dans la résistance.

Malgré la perte de soutien populaire, et dans un contexte de ralentissement économique marqué par une aggravation des inégalités de classe et de l’oppression, l’administration Trump est plus dangereuse que jamais. Elle a clairement fait part de son intention de recourir à des moyens encore plus dictatoriaux pour imposer son programme. N’oublions pas que Trump a promis d’être un dictateur dès le « premier jour »  de sa présidence.

Face à cette offensive, la gauche doit plaider en faveur d’un front uni des syndicats, des organisations de mouvements sociaux et des groupes politiques pour défendre toutes celles et ceux qui sont pris pour cible. Nous devons rechercher activement des occasions de mettre en place ce type d’organisation. Par exemple, la gauche devrait soutenir l’appel de la coalition May Day Strong  à organiser des conférences pour informer, former et organiser des actions de perturbation de masse, y compris des grèves politiques afin de protéger nos droits démocratiques, ainsi que nos emplois, nos salaires et nos acquis sociaux.

Trump : autoritaire, incompétent et impopulaire

Avant l’assassinat de Kirk, le régime de Trump était en crise. Sa tentative de mettre en œuvre le programme du Projet 2025 s’est heurtée à une opposition croissante, non pas de la part des démocrates ou des entreprises, mais dans les sondages d’opinion et les manifestations de masse.

Dans l’ensemble, 57 % des sondé·es désapprouvent  Trump, et 62 % pensent que le pays va dans la mauvaise direction, ce qui constitue un niveau de rejet historiquement élevé pour un président à ce stade de son mandat. La majorité s’oppose même à lui sur ses deux thèmes phares : l’immigration et l’économie.

Elle désapprouve également les droits de douane imposés par Trump, son soutien à la guerre génocidaire menée par Israël et son abandon de l’Ukraine. Cette opposition massive a poussé la population à manifester en masse, de Hands Off ! à May Day, No Kings, Labor Day, en passant par des mobilisations de masse contre l’ICE et la Garde nationale dans plusieurs villes des États-Unis.

Néanmoins, Trump a poursuivi à toute vitesse la mise en œuvre de son programme autoritaire. Sur la scène internationale, il a bafoué le soi-disant ordre international fondé sur des règles, traitant ses amis et ses ennemis de manière purement transactionnelle et imposant des droits de douane censés profiter au capital américain. Il a également vendu l’Ukraine à la Russie, tout en donnant son feu vert au génocide israélien en Palestine, tout en faisant campagne pour obtenir le prix Nobel de la paix.

Sur le plan intérieur, Trump a purgé l’État américain des bureaucrates « libéraux », il a transformé ses structures réorganisées en armes contre les travailleurs·euses et les groupes opprimés, et il a déclenché une guerre de classe totale : réduction des impôts pour les milliardaires, démantèlement des réglementations sur les entreprises et suppression des programmes destinés aux travailleurs·euses et aux pauvres. Cela a plongé dans le chaos une société déjà en crise, marquée par des inégalités sociales et de classe dignes de « l’Age doré » [les dernières décennies du 19e siècle, NdT], avec tous les maux qui en découlent.

La combinaison des droits de douane, des expulsions massives de travailleurs·euses migrant·es et des revirements politiques sauvages a produit les résultats prévus : pénurie de main-d’œuvre, hausse des prix, baisse des investissements dans l’industrie manufacturière et ralentissement économique risquant de déboucher sur une récession. Le cauchemar de la stagflation qui a frappé le capitalisme américain dans les années 1970 semble sur le point de refaire surface.

L’attaque de l’administration contre la bureaucratie de l’État menace sa capacité à fournir des services économiques et sociaux essentiels. Les coupes budgétaires opérées par le Department of Government Efficiency (DOGE) ont dévasté des programmes tels que la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), chargée de fournir des alertes précoces en cas d’ouragan, mettant ainsi en danger la vie des gens dans un contexte de catastrophes climatiques croissantes. Et les attaques de Robert Kennedy Jr. contre la science, les Centres de contrôle et de prévention des maladies et les protocoles de vaccination mettent des millions de vie en péril.

Le « Big Beautiful Bill » de Trump menace l’État d’une crise budgétaire. Il va entraîner une augmentation des dépenses, en particulier celles du Pentagone et de l’ICE, tout en réduisant les recettes grâce à des réductions d’impôts pour les riches. Cela garantira des mesures d’austérité de la part du gouvernement actuel et des gouvernements futurs, quel que soit le parti capitaliste au pouvoir.

Toutes les institutions sociales sont dans le collimateur du régime, en particulier l’enseignement supérieur. Les établissements phares, telles que Harvard, qui forment l’élite dirigeante alimentant à la fois les grandes entreprises et l’État, ont été privées de financement et soumises à des purges politiques. Et un nombre croissant de villes, à commencer par Los Angeles et Washington D.C., ont vu l’ICE et la Garde nationale déployées pour mener la guerre raciste de Trump contre les migrant·es, mettre fin à une vague de criminalité imaginaire et agir comme des provocateurs afin de justifier une répression accrue.

 

Impopulaire, divisé en factions et empêtré dans la crise Epstein

Cette stratégie de domination ou de ruine a non seulement retourné la majorité du pays contre le régime de Trump et son programme national et international. La coalition Trump a commencé à se diviser en conflits de factions, dont le meilleur exemple est le divorce amer du président avec Elon Musk. D’autres divisions ont commencé à se faire jour sur tous les sujets, du Big Beautiful Bill à la politique étrangère.

Mais le conflit le plus important a été celui lié aux révélations sur la relation de longue date entre Trump et Jeffrey Epstein, pédophile et trafiquant sexuel condamné. Tout cela a plongé la base MAGA dans la tourmente.

Trump lui-même a alimenté cette folie, promettant, lors de la campagne électorale, de publier la soi-disant liste des clients d’Epstein. Mais après que sa procureure générale Pam Bondi lui a révélé qu’il figurait dans les dossiers, il a bloqué leur publication. Se sentant trahis, des dirigeants du mouvement MAGA, comme Marjorie Taylor Greene,ont dénoncé Trump, Bondi et le directeur notoirement inefficace du FBI, Kash Patel.

Les fidèles du mouvement MAGA ont même perturbé le sommet étudiant Turning Point USA de Charlie Kirk pour exiger la publication de la liste des clients. Désespéré de détourner l’attention du scandale qui prenait de l’ampleur, Trump a multiplié les actions de type « Wag the Dog », destinées à galvaniser à nouveau sa base, allant d’attaques terroristes sur des bateaux à moteur au large des côtes du Venezuela à des menaces de déploiement de la garde nationale à Chicago et Memphis.

 

L’assassinat de Kirk : un cadeau politique pour Trump

Au milieu de cette crise, l’assassinat de Charlie Kirk a été un cadeau politique pour Trump et son régime. Trump en a profité pour galvaniser les factions d’extrême droite, transformant les funérailles de Kirk en un rassemblement politique d’extrême droite afin d’annoncer une guerre sainte pour venger sa mort.

Devant plus de 100 000 personnes présentes et des millions de téléspectateurs, Trump, Vance et le chef de cabinet adjoint Stephen Miller ont enflammé la foule. Alors que celle-ci brandissait des pancartes « Never Surrender » (Ne jamais capituler), Miller a déclaré la guerre  à « nos ennemis » avec une « armée » prête à se battre pour « sauver cette civilisation, sauver l’Occident, sauver cette république » et pour « vaincre les forces des ténèbres et du mal ».

Alors que la veuve de Kirk a pardonné au tireur présumé, Trump l’a contredite (lors des funérailles de son mari !) : « Je déteste mes adversaires et je ne leur souhaite pas le meilleur ». La dernière chose que Trump recherche est la réconciliation ; ce qu’il veut c’est se venger de la perte d’un de ses guerriers sacrés.

Kirk n’était pas un propagandiste ordinaire exerçant son droit au premier amendement pour participer à des débats sur les campus universitaires. Comme le montre Ta-Nehisi Coates, il utilisait le « débat » comme couverture pour répandre le racisme, le sexisme, la transphobie, l’antisémitisme, l’islamophobie, la xénophobie et toutes les autres formes imaginables de bigoterie à l’encontre des opprimé·es.

Il a qualifié George Floyd de « salopard », dénoncé Martin Luther King comme « horrible », déclaré que la loi sur les droits civiques était « une énorme erreur », défendu la théorie raciste du « grand remplacement », selon laquelle les démocrates remplacent les Blancs par des immigrant·es de couleur, et promis que Trump « libérerait » le pays de « l’occupation ennemie des hordes d’étrangers ». Kirk a également proclamé que « les donateurs juifs ont été le principal mécanisme de financement des politiques radicales d’ouverture des frontières, néolibérales et quasi-marxistes, des institutions culturelles et des organisations à but non lucratif. C’est une bête créée par les juifs laïques ».

Kirk a créé son organisation, Turning Point USA, dotés d’un budget de 80 millions de dollars et rassemblant 250 000 étudiant·es, dans le but d’intimider et de contraindre les gens, en particulier les enseignant.es. Cette organisation a établi une liste de surveillance des professeurs et encouragé ses membres à signaler et à dénoncer les enseignant·es qui « discriminent les étudiants conservateurs et propagent de la propagande de gauche dans leurs salles de cours ».

Kirk a également approuvé et organisé des actes de violence. Par exemple, il a encouragé des groupes d’hommes à former une chaîne pour empêcher la nageuse transgenre Lia Thomas d’entrer dans la piscine en disant : « Hé, le dur, tu veux entrer dans la piscine ? Parce qu’il va falloir passer par nous. »

Il a exigé que Joe Biden soit « emprisonné et/ou condamné à la peine de mort pour ses crimes contre l’Amérique ». Et il a menacé que la nouvelle administration Trump utiliserait le pouvoir de l’État pour réprimer la dissidence et siffler la fin de « la récréation. Et si un démocrate se met en travers de notre route, eh bien, Matt Gaetz pourrait très bien vous arrêter ».

Il a embrassé le justicier raciste Kyle Rittenhouse, qui a tué deux personnes et en a blessé une autre lors d’une manifestation Black Lives Matter à Kenosha, dans le Wisconsin. Kirk l’a qualifié de « héros pour des millions de personnes » lors de la conférence d’extrême droite AmericaFest.

En outre, il a soutenu la tentative de Trump de renverser l’élection de 2020, le 6 janvier. Il s’est vanté, deux jours avant, que Turning Point allait « envoyer plus de 80 bus remplis de patriotes à Washington pour se battre pour ce président ».

Kirk était plus qu’un simple homme de main idéologique et organisateur pour Trump ; il était agent du régime   profondément intégré dans les opérations quotidiennes de la Maison Blanche. Trump le considérait comme un conseiller loyal qui l’avait soutenu après l’insurrection manquée, l’avait aidé à attirer 46 % des votes des jeunes et l’avait aidé à remporter la présidence pour la deuxième fois. J.D. Vance a même attribué à Kirk le mérite d’avoir obtenu sa nomination à la vice-présidence.

Trump a tenu la « gauche radicale » pour responsable de la violence politique et même de l’assassinat de Kirk. Ce n’est pas le cas. En réalité, comme le documente même l’Institut CATO, l’extrême droite, qu’elle soit organisée ou non, est la principale source de violence politique. Mais Trump a cyniquement ignoré ces faits, sans même mentionner les attaques contre les démocrates, notamment le meurtre de deux politiciens dans le Minnesota.

La prétention de Trump à lutter contre la violence politique sent le cynisme à plein nez. Son régime est, pour reprendre une expression de Martin Luther King, « le plus grand pourvoyeur de violence dans le monde aujourd’hui » ; il a signé un budget d’un trillion de dollars pour le Pentagone, lancé des attaques terroristes d’État contre des bateaux vénézuéliens, donné son feu vert et armé le génocide israélien en Palestine, recruté des milliers de nouveaux agents de l’ICE pour détenir et expulser les migrant·es, et déployé des troupes pour réprimer les Noirs et les personnes de couleur à Los Angeles et à Washington.

 

L’escalade du nouveau maccarthysme

Même avant l’assassinat de Kirk, Trump avait lancé une purge des institutions et des lieux de travail visant la gauche et les organisations progressistes. Ce faisant, Trump s’appuie sur le travail de l’administration Biden, des dirigeants universitaires libéraux et des entreprises qui avaient amorcé ce nouveau maccarthysme en réprimant les militant·es solidaires de la Palestine sur les campus et sur les lieux de travail à travers le pays.

Trump a intensifié l’attaque des démocrates en envoyant des agents de l’ICE arrêter, détenir et tenter d’expulser des militant·es tels que Mahmoud Khalil, Rumeysa Ozturk et Mohsen Mahdawi. Il a utilisé le prétexte d’accusations d’antisémitisme pour retirer leur financement aux universités, les contraindre à suspendre et à licencier des professeur·es, et réécrire leurs programmes d’études afin de les conformer à son agenda d’extrême droite. Après l’assassinat, Trump a poussé ce maccarthysme à son paroxysme.

L’hypocrisie de ces attaques est ahurissante. Dans son discours d’investiture, Trump a promis de « mettre immédiatement fin à toute censure gouvernementale et de rétablir la liberté d’expression en Amérique » et a annoncé que « jamais plus l’immense pouvoir de l’État ne serait utilisé comme une arme pour persécuter les opposants politiques ».

Malgré cette promesse, Trump a déclaré la guerre à la gauche, menaçant de « mettre une raclée monumentale » aux « fous de la gauche radicale », dont « la rhétorique est responsable du terrorisme que nous voyons aujourd’hui dans notre pays ». Il a promis : « Nous allons résoudre ce problème ». Il a étrangement pointé du doigt Antifa, qui n’est pas un groupe et qui existe à peine en tant que mouvement, et l’a qualifié de menace terroriste, prélude à une attaque contre toutes les organisations progressistes.

Stephen Miller est allé jusqu’à affirmer que la gauche  était à l’origine d’un « vaste mouvement terroriste national » et a menacé : « Nous allons utiliser toutes les ressources dont nous disposons […] au sein du gouvernement pour identifier, perturber, démanteler et détruire ces réseaux. »

Le vice-président J.D. Vance a élargi la liste des cibles pour y inclure les organisations libérales, en particulier celles soutenues par la Fondation Ford et George Soros, qui, selon lui, bénéficient d’un « traitement fiscal généreux ». Il s’est emporté : « Nous allons nous attaquer au réseau d’ONG qui fomente, facilite et se livre à la violence. »

Le secrétaire d’État Marco Rubio a déclaré que « des révocations de visas sont en cours » pour les visiteurs, les travailleurs et les étudiants internationaux qui « applaudissent l’assassinat public d’une personnalité politique ». Il a averti ceux qui seront reconnus coupables par son tribunal d’exception personnel : « Préparez-vous à être expulsés. Vous n’êtes pas les bienvenus dans ce pays. »

Dans le podcast de Charlie Kirk, Vance a appelé les gens à s’espionner et à se dénoncer les uns les autres à l’État et à leurs employeurs. « Lorsque vous voyez quelqu’un célébrer le meurtre de Charlie, dénoncez-le », a-t-il déclaré avec rage. « Et bon sang, appelez son employeur. Nous ne croyons pas à la violence politique, mais nous croyons à la civilité, et il n’y a aucune civilité dans la célébration d’un assassinat politique. »

Ainsi, l’extrême droite, qui a fait campagne contre la soi-disant « cancel culture » et utilisé la liberté d’expression comme couverture pour son intolérance, son harcèlement et sa campagne d’intimidation contre les groupes opprimés, utilise désormais le pouvoir de l’État pour censurer, licencier et réduire au silence ses opposant.es. Trump a déjà publié un décret désignant Antifa comme « organisation terroriste nationale ».

Ce n’est que le début d’une offensive contre tous les membres de la résistance et l’ensemble de la population. Tous nos droits démocratiques sont désormais menacés.

 

Les socialistes s’opposent au terrorisme

Contre l’affirmation bizarre de Trump selon laquelle la gauche est responsable de l’assassinat de Kirk, nous devons affirmer très clairement qu’aucun groupe organisé de gauche et aucune organisation progressiste ne soutient les actes de terrorisme individuels et encore moins n’approuvent le meurtre de Kirk. Il s’agit d’un mensonge dépourvu de toute preuve factuelle.

En tant que socialistes, nous prônons l’organisation collective, les manifestations et les grèves pour faire avancer nos revendications démocratiques. Nous exerçons ce pouvoir populaire pour obtenir des réformes immédiates et renforcer la confiance des masses laborieuses afin qu’elles exigent encore plus de nos dirigeants. Le socialisme consiste fondamentalement à approfondir nos droits démocratiques collectifs.

Les actes individuels de terrorisme ne font pas avancer cette organisation, mais la font reculer. Les bureaucrates d’État, les patrons d’entreprise et les fanatiques d’extrême droite sont tous remplaçables. Et les pouvoirs en place utiliseront leurs meurtres pour lancer des campagnes de répression comme celle que nous subissons actuellement.

Comme l’a écrit Léon Trotsky:

« l’État capitaliste ne se fonde pas sur les ministres du gouvernement et ne peut être éliminé avec eux. Les classes qu’il sert trouveront toujours des remplaçants ; la machine reste intacte et continue à fonctionner » :

Mais le désordre introduit dans les rangs des masses ouvrières elles-mêmes par un attentat terroriste est plus profond. S’il suffit de s’armer d’un pistolet pour atteindre son but, à quoi bon les efforts de la lutte des classes ? Si un dé à coudre de poudre et un petit morceau de plomb sont suffisant pour traverser le cou de l’ennemi et le tuer, quel besoin y a-t-il d’une organisation de classe ? Si cela a un sens de terrifier des personnages haut placés par le grondement des explosions, est-il besoin d’un parti ? Pourquoi les meetings, l’agitations de masse et les élections si l’on peut si facilement viser le banc des ministres de la galerie du parlement ?

À nos yeux, la terreur individuelle est inadmissible précisément parce qu’elle rabaisse le rôle des masses dans leur propre conscience, les fait se résigner à leur impuissance et leur fait tourner les yeux vers un héros vengeur et libérateur qui, espèrent-ils, viendra un jour et accomplira sa mission.

Dans le cas de l’assassinat de Charlie Kirk, le tireur présumé, Tyler Robinson, n’avait aucun lien avec la gauche organisée ou les organisations libérales. Il n’avait pas été formé aux idées radicales par des professeurs de gauche, ayant abandonné ses études après un semestre dans l’une des écoles les plus conservatrices du pays, l’Utah State University.

Il a grandi dans une famille mormone conservatrice, dominée par un père « ultra MAGA », imprégnée de la culture des armes à feu de l’extrême droite. Ce milieu intolérant et violent a piégé Robinson dans une horrible contradiction entre son environnement politique d’extrême droite et sa relation avec son partenaire en transition.

Cela semble l’avoir poussé à tuer Kirk, admettant: « J’en avais assez de sa haine ». Ces conditions n’excusent ni ne justifient bien sûr le meurtre, mais elles l’expliquent. Comme Malcolm X l’a fait valoir lorsqu’on lui a demandé son avis sur l’assassinat du président John F. Kennedy dans le contexte de la guerre impérialiste menée par les États-Unis, en particulier au Vietnam, on récolte ce que l’on sème. L’assassinat était une réaction violente déclenchée par le fanatisme. Il n’avait rien à voir avec la gauche.

 

Les progressistes tombent dans le piège de la civilité

La plupart des commentateurs progressistes et des politiciens du Parti démocrate ont capitulé face à la chasse aux sorcières menée par Trump. Ils ont accepté le cadre défendu par la droite selon lequel Kirk était un praticien du débat civique, ignorant le fait qu’il utilisait la liberté d’expression comme couverture pour mener des actions de harcèlement et d’intimidation fondées sur la bigoterie.

Plutôt que de lutter contre le maccarthysme de Trump, l’establishment du Parti démocrate s’y adapte et sacrifie les groupes opprimés pris pour cible par Kirk.

Le chroniqueur Ezra Klein a publié un article intitulée « Charlie Kirk pratiquait la politique de la bonne manière ». Sérieusement ? Kirk a ressuscité le racisme et l’antisémitisme de l’époque qui précède les droits civiques. Kirk et Turning Point, comme le soutient Ta-Nehisi Coates, « ont encouragé leurs membres à nuire aux gens pour faire avancer leurs objectifs politiques préférés ».

La présidente du Barnard College, Loren Ann Rosenbury, a repris presque mot pour mot les arguments de Klein dans son article « Now is the Time for Colleges to Host Difficult Speakers » (Il est temps que les universités accueillent des conférenciers controversés). Rosenbury a plaidé en faveur d’un dialogue civil sur les différences, y compris avec des propagateurs de haine comme Kirk, mais elle n’est pas une défenseuse de principe du droit des étudiant·es à s’organiser et à s’exprimer. Comme d’autres président·es d’université à travers le pays, elle a expulsé des dizaines de militant·es solidaires de la Palestine pour avoir protesté contre le génocide. Pour ces personnes, Kirk reste dans les limites de la civilité, contrairement aux étudiant·es qui protestent contre le gouvernement néofasciste d’Israël et ses crimes contre l’humanité.

Les politicien·nes du Parti démocrate ont également mordu à l’hameçon de la civilité posé par les républicains, se joignant au chœur qui légitime la bigoterie de Kirk. Ils ont commencé à le faire avant même son assassinat, dans le cadre de leur virage à droite pour s’attirer les faveurs des électeurs·trices centristes et de droite.

Gavin Newsom, idole des démocrates, a invité Kirk dans son podcast. Après son assassinat, ceux-ci se sont joints à la sacralisation du semeur de haine en observant des moments de silence. Les sénateurs de la fraction démocrate, dont Bernie Sanders, ont soutenu les républicains dans un vote unanime visant à faire du 14 octobre la « Journée nationale du souvenir de Charlie Kirk ».

Plutôt que de lutter contre le maccarthysme de Trump, l’establishment du Parti démocrate s’y adapte et sacrifie les groupes opprimés ciblés par Kirk. Par exemple, un ancien assistant du leader du Sénat Harry Reid vient de lancer un nouveau groupe de réflexion, le Searchlight Institute, qui demande au parti de minimiser les questions telles que les droits des transgenres et de limiter l’influence des organisations progressistes.

 

Méfiez-vous de la complaisance opportuniste des patrons et des bureaucrates

Au lieu de défendre la liberté d’expression, les responsables gouvernementaux, les patrons et les administrateurs universitaires ont obéi aux injonctions de Trump de licencier, suspendre et censurer des dizaines de travailleurs·euses pour leurs déclarations, leurs articles et leurs publications sur les réseaux sociaux. Cela ne devrait surprendre personne. La plupart des patrons et des hauts fonctionnaires sont des centristes ou des conservateurs.

Ils n’ont concédé de meilleurs salaires, conditions de travail, programmes et réformes que sous la pression venue d’en bas. Ils sont donc prédisposés à pratiquer une « soumission opportuniste »  au maccarthysme de Trump, comme ils l’ont fait dans les années 1950 lorsqu’ils ont purgé la gauche des lieux de travail et des universités.

La droite ne s’engage pas dans un dialogue civil ni dans aucune forme de politique électorale bourgeoise normale ; elle mène une contre-révolution politique visant à établir un État autoritaire et à réduire à néant tous les acquis obtenus par les mouvements sociaux et syndicaux dans les années 1930 et 1960.

Les menaces de l’administration de couper les financements, de refuser les accréditations et d’annuler les contrats les ont poussés à une capitulation totale. Le gouvernement a mis de nombreux fonctionnaires en congé forcé ; ABC a temporairement suspendu le comédien Jimmy Kimmel ; le Washington Post a licencié sa seule chroniqueuse noire, Karen Attiah ; les universités ont licencié et suspendu des professeur·es et des employé·es et ont également expulsé des étudiant·es ; les compagnies aériennes ont immobilisé des pilotes ; et les hôpitaux ont même licencié du personnel soignant.

Et dans l’un des développements les plus inquiétants, Berkeley, berceau du Free Speech Movement des années 1960, a divulgué les noms de 160 professeur·es, dont la philosophe juive antisioniste Judith Butler, et a ouvert une enquête à leur sujet pour antisémitisme présumé. Tout cela a semé une panique dans l’enseignement supérieur sans équivalent depuis les années 1950.

 

Ne vous adaptez pas au nouveau maccarthysme

La gauche doit rejeter le cadre de civilité imposé par la droite, réfuter ses allégations absurdes contre nos organisations et rallier les forces de résistance à une défense unie des droits démocratiques pour toutes et tous. Malheureusement, certains membres de la gauche réformiste ont cédé du terrain à la droite.

Dans leur article « Le meurtre de Charlie Kirk est une tragédie et un désastre », Ben Burgis et Meagan Day présentent d’abord un argument simple contre la violence politique et rappellent à juste titre que de tels actes offrent à la droite un prétexte et une justification pour intensifier la répression. Mais ensuite, ils reprennent la rhétorique de l’establishment libéral, appelant à la civilité, mettant en garde contre le danger d’une « violence de représailles » et d’une « descente de nos cultures politiques vers un tribalisme déshumanisant », tout en reprochant aux personnes de gauche de faire preuve d’un « manque d’empathie » envers Kirk et sa famille.

Qualifier la polarisation politique entre la droite et la gauche de « tribalisme » pose plusieurs problèmes, non seulement en raison des connotations racistes et colonialistes du terme, mais aussi parce que cela implique que le conflit entre le régime et la gauche pourrait être résolu par un « comportement plus adulte », des débats, des discussions et des élections démocratiques. C’est au mieux naïf.

Je le répète, la droite ne s’engage pas dans un dialogue civil ou dans une quelconque politique électorale bourgeoise normale ; elle mène une contre-révolution politique visant à établir un État autoritaire et à réduire à néant tous les acquis obtenus par les mouvements sociaux et syndicaux dans les années 1930 et 1960.

La droite l’a clairement fait savoir. Stephen Bannon s’est emporté dans son podcast The War Room : « Les gens me contactent pour me dire : “Hé, tu peux venir ici pour débattre du premier amendement ?” Nous ne débattons de rien. Nous agissons. » Il a ensuite lancé cet avertissement : « Nous avons maintenant un scalp, celui de Jimmy Kimmel. Et il y en aura beaucoup, beaucoup d’autres. »

Nous ne devrions pas débattre avec des gens comme Kirk, comme l’ont fait Newsom et Burgis. Nous n’avons pas d’échange d’idées raisonnées avec eux ; nous sommes engagés dans une lutte existentielle contre un régime d’extrême droite qui utilise l’État comme une arme pour mener une guerre maccarthyste contre la gauche et les vestiges de la démocratie. Nous devrions plutôt organiser des manifestations et des grèves pour défendre nos droits et nos emplois.

De plus, la gauche ne devrait pas exiger des opprimé·es qu’ils fassent preuve d’empathie envers leurs oppresseurs, en particulier ceux comme Kirk qui ont craché leur intolérance, se sont livrés à des actes de harcèlement et d’intimidation et ont soutenu la tentative de Trump de renverser l’élection de 2020. Nous ne devrions pas non plus blâmer les gens pour avoir publié des messages de colère sur les réseaux sociaux, alors même que la droite s’en sert comme prétexte pour licencier des gens en masse. Soyons clairs : l’écrasante majorité des violences politiques proviennent des forces organisées de la droite et d’individus non organisés inspirés par la destruction des normes démocratiques.

 

Autoritarisme sans consentement

Notre tâche consiste à construire la résistance. Trump dispose peut-être aujourd’hui d’une base galvanisée et d’un solide soutien minoritaire dans le pays, mais nous avons la majorité, et les sondages, en particulier parmi les jeunes, le prouvent sur tous les sujets, de l’immigration à l’économie, en passant par la Palestine.

Ce mécontentement ne fera que croître avec le temps. Pourquoi ? Parce que Trump a détérioré et continuera de détériorer la vie de la grande majorité. Comme l’a documenté le Center for American Progress, ses politiques ne profiteront qu’au 1 % le plus riche, au détriment de la vie et du niveau de vie des 99 % restants.

Ainsi, Trump est dans une position plus faible que d’autres autocrates comme Viktor Orban, qui a accédé au pouvoir avec 68 % des sièges au Parlement en 1998 et a conservé jusqu’à récemment le soutien de la population pour sa transformation autoritaire de la Hongrie. Trump, en revanche, est profondément impopulaire, dispose d’une majorité très faible au Congrès et son soutien a encore diminué depuis l’assassinat de Kirk.

Pourtant, si l’autoritarisme de Trump et ses politiques ne feront qu’aggraver les crises de la société américaine, rien ne garantit que les forces qui profiteront le plus du mécontentement populaire seront celles que l’on pourrait imaginer.

Au lieu de lutter contre Trump, l’establishment capitaliste et ses représentants politiques au sein du Parti démocrate ont capitulé, soit en cherchant à s’attirer les faveurs du régime, soit en adoptant la stratégie de James Carville consistant à faire le mort et à espérer en récolter les fruits lors des élections de mi-mandat. Mais il est loin d’être certain qu’ils l’emporteront.

Les démocrates sont en fait moins populaires que Trump. Et même s’ils obtenaient la majorité à la Chambre ou au Sénat – ce qui n’est pas gagné d’avance, compte tenu des projets du régime en matière de charcutage électoral et de suppression des électeurs·trices –, la plupart des élu·es seraient des clones de Hakeem Jeffries et Harry Reid. Ce sont des forces qui, au mieux, s’engagent à rétablir le statu quo ante et qui, afin de s’assurer les votes des centristes, se sont adaptées et, dans certains cas, ont adopté les positions de la droite.

Même si les démocrates trouvaient miraculeusement la volonté de se battre, Trump a montré qu’il était prêt à passer outre les soi-disant freins et contrepoids de la Constitution et à gouverner par décret. Et les politiciens de gauche qui veulent se battre sont une infime minorité, piégée dans un Parti démocrate hostile.

Nous ne pouvons pas non plus supposer que la gauche, les syndicats et la résistance combleront le vide. Cela dépend des positions politiques, de la stratégie et des tactiques que nous adopterons. La plupart des responsables syndicaux, des dirigeant·es d’ONG et de la gauche restent principalement concentrés sur les élections.

Ils partent du principe qu’occuper un poste équivaut à avoir le pouvoir de mettre en œuvre des réformes. En réalité, une fois élus, même les réformistes les plus sincères se retrouvent piégés par les limites de l’État capitaliste et sa dépendance vis-à-vis de la croissance et de la rentabilité du capitalisme pour ses revenus. Ils se trouvent donc dans l’incapacité de tenir leurs promesses.

Cela vaut particulièrement pour ceux qui sont élus à des fonctions exécutives, comme les maires des villes. Le maire de Chicago, Brandon Johnson, par exemple, n’a pas été en mesure de tenir la plupart de ses promesses, a initialement accommodé les forces de droite, y compris la police, et fait désormais face aux attaques incessantes de Trump et de la classe dirigeante.

Tout cela a fait chuter la cote de popularité de Johnson à 26 %. Il n’est donc pas du tout certain que l’expérience de la mairie de Johnson ait renforcé les forces de la gauche à Chicago. Sans une lutte sociale et de classe massive venue d’en bas, et sans le type d’organisation que cela présuppose, toute personne élue à un poste exécutif connaîtra le même triste sort, y compris Zohran Mamdani  s’il remporte la course à la mairie de New York.

 

Pour une lutte sociale et de classe de masse

C’est pourquoi la classe ouvrière organisée – les travailleurs, hommes et femmes, syndiqués – et les mouvements sociaux revêtent une importance décisive. Seul notre pouvoir de classe – notre capacité à paralyser le système par des grèves – peut arrêter Trump, défendre la démocratie et garantir des réformes.

Mais certains syndicats, plutôt que de se battre, se sont accommodés de Trump, notamment l’UAW et les Teamsters. Le président de l’UAW, Sean Fain, a commis l’erreur de soutenir le protectionnisme de Trump dans l’espoir de garantir des emplois, tandis que Sean O’Brien, des Teamsters, est allé jusqu’à prendre la parole lors d’un rassemblement d’extrême droite, c’est-à-dire la Convention nationale républicaine.

Une telle complaisance aura l’effet inverse de celui escompté, ouvrant les travailleurs et travailleuses désespérés, inquiets pour leur emploi et leur niveau de vie, aux arguments racistes et xénophobes de Trump, semant ainsi la division dans notre classe. Pire encore, sans le pouvoir des salarié.e.s organisés, les mouvements sociaux et la résistance générale seront affaiblis.

Trump utilise les attaques contre les Palestiniens et les personnes transgenres pour mener une guerre des classes contre nous tous. Nous devons donc être symétriques dans notre opposition, en défendant toutes les personnes visées et en soutenant leurs revendications. Nous devons déclarer sans ambages que si vous essayez d’attaquer l’un d’entre nous, vous devrez passer par nous tous.

Au lieu de cela, nous avons besoin de manifestations massives et perturbatrices et, surtout, de grèves politiques comme celles qui ont eu lieu en Corée du Sud et qui ont bloqué la tentative de coup d’État de leur président, ainsi que des actions similaires qui paralysent actuellement la France  afin de bloquer la  nomination antidémocratique par Emmanuel Macron d’un Premier ministre chargé d’imposer l’austérité aux travailleurs·euses. Nous devons rendre ce pays ingouvernable pour mettre fin à la prise de pouvoir autoritaire de Trump.

Mais nous ne sommes pas encore en mesure d’organiser ce type de grèves politiques. Le développement le plus prometteur qui pourrait permettre d’organiser une telle résistance massive de la classe ouvrière est May Day Strong ; il s’agit du front uni clé des syndicats, des mouvements sociaux et des larges formations de résistance telles que 50501.

Il a joué un rôle essentiel en soutenant les manifestations nationales du 1er mai et de la fête du Travail, qui ont été parmi les plus importantes de l’histoire récente, mais qui sont encore loin d’avoir atteint l’ampleur et le militantisme nécessaires à ce moment précis. Afin d’approfondir et d’étendre son réseau, May Day Strong a appelé à la tenue de conférences régionales visant à rassembler les syndicats, les mouvements sociaux et les formations de résistance pour l’éducation, la formation et la création de coalitions.

L’objectif est de forger un front uni encore plus large et plus ancré, capable d’appeler à des manifestations de masse perturbatrices en amont des actions syndicales et même des grèves politiques, le 1er mai 2026. Tous les membres de la gauche et de la résistance au sens large devraient répondre à leur appel.

Si nous nous battons, nous pouvons gagner. Prenons l’exemple de Jimmy Kimmel. Après sa suspension, cinq syndicats hollywoodiens ont protesté pour défendre la liberté d’expression et ont organisé des rassemblements de masse, tandis que les acteurs et actrices ont signé une pétition massive et que les consommateurs-trices ont menacé de boycotter Disney. Après une chute de 2,39 % de son action, qui lui a coûté près de 5 milliards de dollars en valeur boursière, la société a cédé et l’a réintégré à l’antenne.

 

Les yeux rivés sur l’objectif

May Day Strong n’est pas sans problèmes ni débats. À ce stade, le calendrier d’action de la coalition ne s’étend que jusqu’au 1er mai 2026. Cela reflète probablement l’orientation des syndicats et des ONG vers les élections de mi-mandat, qui battront leur plein après le 1er mai.

Les socialistes au sein de la coalition May Day Strong, et au sein de toutes les formations de résistance, doivent s’opposer à ce que notre stratégie passe de la construction d’une lutte de masse à une campagne pour les élections de mi-mandat. Nous devons garder les yeux rivés sur l’objectif qui consiste à organiser des manifestations et des grèves de masse tout au long du calendrier électoral.

Ces actions doivent être notre priorité collective absolue, indépendamment du choix de chacun dans l’isoloir. Tout temps, argent et énergie détournés de la lutte pour la campagne du Parti démocrate feront reculer la résistance, au lieu de la faire avancer.

La gauche doit également contester l’argument selon lequel la résistance doit minimiser des questions telles que la Palestine et les droits des transgenres afin d’élargir le mouvement. Une telle concession à la droite repose sur une lecture erronée de la conscience de masse et sur l’hypothèse que le fait d’aborder ces questions nous divisera.

En réalité, les sondages montrent que la plupart des gens ont radicalement basculé à gauche sur ces questions dites « clivantes ». Prenons l’exemple de la Palestine. En août, un sondage Quinnipiac a révélé que 60 % des Américain·es s’opposent à l’envoi d’armes par les États-Unis à Israël, et 77 % des démocrates estiment qu’Israël commet un génocide à Gaza.

Sur la base de ces faits, nous devons contester les arguments réductionnistes de classe qui prétendent que nous ne pouvons construire un mouvement de masse de la classe travailleuse qu’en mettant en avant des « revendications de classe universelles » et en minimisant les revendications des opprimé·es. En réalité, la classe travailleuse est composée de groupes opprimés, des personnes transgenres aux personnes de couleur, en passant par les migrant.es et nos frères et sœurs d’autres pays, en particulier les Palestinien·nes.

 

Une atteinte à l’un ou l’une d’entre nous est une atteinte à tous et toutes

La seule façon d’unir une classe aussi multigenre, multiraciale et multinationale est de défendre les revendications des opprimé.es. Si nous ne le faisons pas, nous risquons d’exclure des contingents clés de la lutte des classes, d’aliéner des mouvements sociaux entiers et de rendre notre camp vulnérable à la stratégie de division et de conquête de Trump.

Trump utilise les attaques contre le peuple palestinien et les personnes transgenres pour mener une guerre de classe contre nous toutes et tous. Nous devons donc être symétriques dans notre opposition, en défendant toutes les personnes visées et en embrassant leurs revendications. Nous devons déclarer sans ambages que si vous essayez d’attaquer l’un·e d’entre nous, vous devrez nous affronter toutes te tous.

Nous devons débattre de tout cela d’une manière qui ne brûle pas les ponts et qui résolve les désaccords dans le cadre de formations démocratiques de lutte. La solidarité, en dépit de nos différences, est essentielle, car personne ne viendra nous sauver, sauf nous-mêmes : nos syndicats, nos mouvements sociaux et la gauche dont nous avons hérité du passé, avec toutes leurs forces, leurs défauts et leurs faiblesses.

Nous menons le combat de notre vie. Nous devons nous unir, débattre, nous organiser et exercer notre pouvoir dans le cadre de manifestations et de grèves massives afin de défendre nos droits démocratiques, ainsi que nos emplois, nos salaires et nos avantages sociaux.

Nous devons construire la résistance de la classe travailleuse en nous appuyant sur le slogan classique du mouvement syndical : « Une atteinte à l’un est une atteinte à tous et toutes ». Seule une telle solidarité avec toutes celles et ceux qui sont attaqués, sans exception, peut nous unir pour vaincre le régime Trump.

*Article, paru sur le site Tempest et traduit de l’anglais par notre rédaction.

Ashley Smith est membre du collectif Tempest à Burlington, dans le Vermont. Il a écrit dans de nombreuses publications, notamment Spectre, Truthout, Jacobin, New Politics et bien d’autres, en ligne et imprimées.

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